VOX — Centre de l’image contemporaine

Pascal Grandmaison, _Spin_ (image fixe), vidéo, 2002, DVD, projection en boucle, 16 min. Avec l’aimable permission de l’artiste.
Crédits

Pascal Grandmaison
Spin + Daylight

2002.11.15 - 2003.01.19

NELSON HENRICKS

Dans une société caractérisée par l’excès, il serait tentant de considérer les images comme des produits surabondants et sans valeur, vides et immatériels. Le travail de Pascal Grandmaison jette un éclairage sur les codes qui confèrent aux images leur autorité. Une des façons d’aborder SPIN et DAYLIGHT est de voir cette ouvre à la lumière du travail d’Andy Warhol, un artiste qui, étrangement, est au même diapason que nous, au XXIe siècle.

Le vide était l’essence de la démarche de Warhol. Le vide warholien est troublant parce qu’il nous incite à rechercher du sens à des endroits inhabituels. « Ce qui est intéressant au sujet de Warhol, ce n’est pas l’image rétinienne de l’homme qui peint 50 boîtes de soupe en conserve, mais plutôt l’homme qui a l’idée de peindre 50 boîtes de soupe en conserve. » (Duchamp) Ainsi, le sens n’est plus un mystérieux code que l’on doit extraire de l’objet d’art, mais un jeu auquel on joue en situant l’art dans des contextes sociaux plus larges. Il n’est pas question d’expression de soi quand il s’agit des tableaux et des films de Warhol, car ceux-ci dépeignent un monde à l’extérieur du soi.

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Cette perspective est celle qui permet le mieux de comprendre le travail de Grandmaison. En effet, les images créées par l’artiste acquièrent un sens une fois inscrites dans le contexte plus large des codes culturels. Dans la projection vidéo, nous voyons une série de panoramiques vers le bas et de visages en très gros plan. Aucune émotion n’émane des sujets. Évoquant les Screen Tests de Warhol, ils demeurent littéralement et figurativement vides, animés essentiellement par les conventions cinématographiques. Le grand écran donne à leur image des proportions monumentales, et la vibration de l’image leur communique un tremblement empreint d’une anxiété dramatique. Le travail de Grandmaison porte sur le cadre qui investit les images de son pouvoir, et non sur un sens qui leur serait inhérent.

L’importance du contexte (par opposition au contenu) s’insinue également dans la composante photographique de l’exposition. Deux tubes fluorescents, appuyés dans un coin contre un arrière-plan photographique rudimentaire, sont baignés par la lumière du jour. Des lampes vides mais néanmoins illuminées ; la lumière considérée à la fois comme sujet et comme objet. Cette image constitue en quelque sorte une réponse à des artistes conceptuels comme Joseph Kosuth et Dan Flavin, poursuivant plus avant le questionnement sur la relation entre signes et sens, forme et fonction. Mais la lumière est aussi, depuis longtemps, le sujet de la peinture. L’évocation, de la part de Grandmaison, d’artistes tels que Zurbarán ou Georges de La Tour confère une aura paradoxalement sublime et mystique à un objet fabriqué en série qui autrement demeurerait vide.

Grandmaison s’intéresse à la valeur et au regard. Qu’est-ce qui donne aux images leur poids ? D’où tirent-elles leur sens ? Au moyen d’une exploration ouverte de certaines conventions relatives à la représentation, Grandmaison évite adroitement la fermeture et la fixité. Dans le même esprit, j’espère que le présent texte ne contribue que partiellement à mettre en lumière les nombreux mystères que renferme SPIN et DAYLIGHT.

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