VOX — Centre de l’image contemporaine

Vue de l'exposition _Yael Bartana,_ VOX, 2009. Photo: Michel Brunelle.
Crédits

Yael Bartana
Le Mois de la Photo à Montréal

2009.09.11 - 10.24

GAËLLE MOREL

Le Mois de la Photo à Montréal et VOX présentent une exposition réunissant les travaux de l’artiste Yael Bartana s’inscrivant dans la thématique Les Espaces de l’image.

Dans son installation vidéo Summer Camp + Awodah (2007), l’artiste israélo-néerlandaise Yael Bartana utilise le principe de la double projection pour se détacher des conventions documentaires. L’œuvre se réfère aux symboles et aux mythes propres à l’histoire d’Israël en s’appropriant le langage, la musique et les images de propagande des années 1930. L’ensemble est constitué de deux écrans placés dos-à-dos et disposés dans une cabine de projection en bois. D’un côté, Bartana montre la reconstruction d’une maison palestinienne démolie par l’armée israélienne au cours de l’été 2006, dans le village d’Anata, à l’Est de Jérusalem. La reconstruction est effectuée par les villageois locaux aidés par un groupe de bénévoles européens et israéliens engagés dans l’organisation non gouvernementale Israeli Committee against House Demolition (ICAHD, Comité israélien contre la démolition des maisons). Cette association non-violente entreprend ainsi des actes de résistance singuliers choisissant de construire plutôt que de détruire1. Traditionnellement, la construction symbolise la renaissance du peuple juif et sa résurrection sur la terre d’Israël.

Simultanément à cette première vidéo, Bartana présente un extrait du film d’Helmar Lerski Awodah (1935), réalisé pour promouvoir l’immigration des pionniers juifs d’Europe de l’Est en Palestine. La musique du film, composée par Paul Dessau et traduite pour un ensemble de dix musiciens jouant des instruments occidentaux et arabes, accompagne les deux projections. Si d’un côté la bande son correspond au lyrisme de l’épopée présentée, de l’autre, l’effet produit un profond décalage entre les images et la mélodie. La synchronie musicale accentue l’écart visuel. Pour résister à l’idéologie expansionniste, l’artiste utilise les codes formels propagandistes des films commandés par l’Agence Juive ou le Fond National Juif et hérités du réalisme socialiste : contre-plongées, plans rapprochés, exaltation des corps, concentration sur l’action entreprise, absence de dialogues, etc. Ainsi, Yael Bartana utilise « le langage idéologique héroïque de l’époque sioniste pour démontrer sa désintégration2 ».

  1. Sergio Edelsztein, « Utopias and Historical Reversibility », dans Yael Bartana, Short Memory, Tel Aviv, The Center for Contemporary Art, 2008, p. 26.

  2. Galit Eilat, « Non Zionist Propaganda », dans Yael Bartana, Short Memory, ibid., p. 108. (Notre traduction.)